Raconter tout ce qu’on fait : un réflexe fréquent, mais pas toujours pertinent
Quand on commence à rédiger son dossier VAE, la tentation est forte de vouloir tout dire. Tout ce qu’on fait. Tout ce qu’on a appris sur le tas. Tout ce qu’on prend en charge, même en dehors du cadre prévu.
Et ce n’est pas une mauvaise intention. C’est même souvent sincère.
Mais dans une démarche de validation, cette approche peut poser problème.
Parce qu’en VAE, ce n’est pas la quantité d’actions ni le niveau d’engagement qui compte. Ce qui compte, c’est la capacité à démontrer la maîtrise de compétences clairement identifiées… dans un cadre bien défini.
Ce que le jury attend, ce n’est pas un récit brut du terrain
La VAE, ce n’est pas raconter son quotidien comme on le vit. Ce n’est pas un journal de bord. Et ce n’est pas non plus une preuve de bonne volonté.
C’est une démarche structurée, qui consiste à analyser son activité professionnelle à partir d’un référentiel de compétences. Pas ce qu’on a fait un jour. Pas ce qu’on a pris en charge parce que “personne d’autre ne le faisait”. Ce qui compte, c’est de démontrer que l’on sait agir avec méthode, en conscience, et dans le bon cadre.
Pratique du terrain vs référentiel diplôme : 2 logiques différente à bien prendre en compte
Sur le terrain, on adapte, on compense, on déborde. C’est une réalité.
Et dans de nombreux métiers (le social notamment… mais pas que !) les situations sont complexes, humaines, souvent urgentes, et les responsabilités élevées. On fait ce qu’il faut, même si ce n’est pas ce qui est prévu.
Mais dans le cadre d’une VAE, ces réalités-là doivent être reformulées, canalisées, et parfois mêmeécartées. Parce que ce n’est pas ce que le jury cherche à valider. Ce que le jury attend, ce sont des compétences précises, observables, reproductibles. Pas une accumulation de bonnes intentions.
Ce qui peut poser problème dans un dossier VAE
Certains gestes ou pratiques, bien que fréquents sur le terrain, car nécessaires dans l’organisation de votre structure, peuvent fragiliser un dossier s’ils sont racontés sans mise en perspective. Parmi les 5 plus fréquents :
- Réaliser des activités alors qu’on n’est pas habilité
- Décider seul
- Improviser des outils
- Contourner des procédures (même pour la bonne cause !)
- Mélanger relation d’aide et vie personnelle.
Tous ces exemples peuvent exister dans votre quotidien (on le sait bien !).
Mais dans un dossier VAE, ils doivent être abordés avec recul. Si ce n’est pas dans votre périmètre professionnel, si ce n’est pas dans le référentiel du diplôme visé, si ce n’est pas conforme au cadre réglementaire, mieux vaut ne pas le dire, ou, si vous n’avez pas le choix de le dire : le retravailler en profondeur en contextualisant et justifiant cette sortie de périmètre.
3 filtres pour savoir quoi dire et comment
Pour savoir si une situation a sa place dans un livret VAE, on peut utiliser une méthode simple, en trois questions :
- Est-ce que cette situation correspond à une compétence attendue dans le diplôme ?
Si ce n’est pas dans le référentiel, inutile de s’y attarder. - Est-ce que j’étais autorisé à le faire dans le cadre de mon poste ?
Si c’est une prise d’initiative hors périmètre légal, le jury ne pourra pas la valider. - Est-ce que je peux la décrire de façon claire, structurée, démontrable ?
Le jury ne devine pas : il lit ce qui est écrit. Il faut contextualiser, préciser, expliquer.
Exemple : une phrase trop vague… et sa reformulation
Prenons une phrase qu’on retrouve souvent, parce qu’elle est demandée par de nombreux référentiels : “Je prends souvent des initiatives.”
Dans l’absolu, c’est positif. Mais pour le jury, ça ne suffit pas.
Il faut aller beaucoup plus loin.
D’abord vérifier avec la méthode des 3 filtres, que votre exemple fonctionne.
Puis rédiger. Pour cela, vous devez décrire le contexte, l’objectif, les acteurs impliqués, les actions menées, les résultats obtenus, les validations éventuelles. Et cela, avec méthode en respectant son périmètre attendu par le référentiel.
Par exemple :
« Dans mon poste d’AES à domicile, j’ai proposé une activité de tri d’objets à une dame atteinte de troubles cognitifs modérés. L’objectif était de favoriser sa concentration et de maintenir sa participation aux repas. La proposition a été validée par l’infirmière coordinatrice. L’activité a été mise en place deux fois par semaine pendant trois semaines, avec un suivi noté dans le cahier de liaison. L’observation de l’évolution a permis d’adapter l’activité par la suite. »
Ce n’est pas plus long. C’est juste plus clair. Plus professionnel. Plus conforme aux attentes car la validation appartient à la bonne personne.
Ne pas tout dire, ce n’est pas trahir son expérience
Ce n’est pas parce qu’on ne raconte pas une situation qu’on nie sa valeur. Ce n’est pas parce qu’on reformule qu’on triche. Faire des choix dans ce qu’on écrit, c’est faire preuve de discernement et de prise de hauteur et de recul sur son métier, en lien avec le diplôme visé donc.
Et dans une VAE, c’est exactement ce que le jury cherche : quelqu’un capable de se positionner clairement dans son rôle, de comprendre ce qui est attendu, et de s’exprimer avec précision.
En conclusion
Oui, la VAE sert à raconter ce qu’on fait. Mais ce récit doit être orienté, filtré, aligné avec le diplôme visé.
Tout ce qu’on fait ne rentre pas dans un livret. Et ce n’est pas grave. Ce qui compte, c’est de construire une démonstration solide, structurée, et conforme à ce qu’on attend d’un professionnel du métier. C’est ça, que le jury valide.